Tout cela a passé comme une ombre, comme une rumeur fugace. Comme le navire traverse une mer agitée, sans qu’on puisse retrouver les traces de son passage, ni le sillage de sa coque sur les vagues… Comme l’oiseau vole à travers l’espace sans qu’on trouve aucune emprunte de son parcours. Du battement de ses ailes, il fouette l’air léger, le fend avec violence dans le sifflement de son vol, et le traverse sans qu’on trouve signe de son passage… Comme la flèche lancée vers la cible déchire l’air aussitôt refermé, si bien qu’on ignore quelle fut sa trajectoire… Ainsi de nous : à peine nés, nous avons disparu, nous n’avons pu montrer aucun signe de vertu et, dans notre malice, nous nous sommes consumés.

Livre de la sagesse

 

 

57

Val du dormeur

 

Marooned

 

 

 

  Pendant ce temps-là, sur le plateau infini du Larzac, le gros oiseau de proie mal luné s’est pourléché les babines, avec tact, en se penchant sur le visage, livide, du Brigadier-Chef, que toute vie a manifestement désertée. Et a débuté son festin de charognard. Par les globes oculaires, ça va de soi : les parties molles représentant un mets de choix, pour tout carnassier gourmet qui, un tant soit peu, se respecte. Puis il a entrepris de fouiller les ophtalmiques cavités, tout juste dévoilées, à la recherche de la succulente matière grise. Guidé par son instinct immémorial de prédateur préhistorique, qui lui en dictait l’emplacement théorique.

    Hélas, en vain.

  De même que tout autre naïf féo matriculé, par quelque étrange magie, nous nous voyons bien obligés d’avouer que notre pauvre poulet s’en trouvait, effroyablement démuni.