La maitre machine

26

Mororkonn

 

When You're In

 

 


 

  Les puces autonomes temporaires, underground, de Mororkonn, se répandent, déjà, en bas du sentier, où une bande de débris exposent, à la sauvette, trouvailles médiocres et merdiques breloques. Dans l’espoir de les brader, aux moins regardants, contre un peu de nourriture : Les smicards du postdésastre.

  Dès qu’on atteint le fond de la carrière, là, on a beau chercher une logique quelconque, dans la façon dont les éventaires sont installés, rien ne vient. Le bordel, élevé au rang de religion. C’est grand-guignolesque, du pur n’importe quoi. Où que l’on regarde, absolument aucune voix n’émerge du labyrinthique débarras. Ça contraint les nouveaux venus à enjamber des bidons, des piquets, des pieds, des toiles, des tapis, diverses vieilleries, une poule couveuse vert fluo, des carcasses extrêmement bizarroïdes et, surtout, beaucoup, beaucoup, de détritus, quelques étrons pas frais, et d’innombrables immondices en putréfaction. Ils croisent une famille de blattes mutantes géantes : papa, maman, Berthe l’aînée et Bernard, le puîné. Quinze centimètres, le Bernard... Indira remarque, tout de suite, dans la cohue anomique, non loin du barbeuc de Mgambo, une bombasse terrible, juchée sur une estrade, entourée d’autres nanas, super cradosses. Toutes ont au moins les poings liés. L’éphèbe est menue, et plutôt courte sur pattes, en cuissardes noires ultra-sexy. Le sable crêpe méchamment sa volumineuse tignasse brune, et l’ensemble peut se targuer d’un charme certain. Sauvage, stupéfiant et vénéneux. Vénéneux comme c'est pas possible   !

  Ses gestes, et son regard, surtout, évoquent toutefois, pour l’heure, ceux d’un félidé acculé. Et donc tout prêt à attaquer. Elle a l’air de se débattre. Tentant, apparemment, de se soustraire à l’étreinte d’un grand barbu crâne d’œuf, qui la maintient à la fois par le bout de ficelle préhistorique qui entrave ses poignets, et par un de ses avant-bras. Le rapport de force paraît tout à fait inégal, les deux protagonistes ne jouant pas trop dans la même cour. Le balèze velu dominant sa pauvre prisonnière d’un franc demi-mètre. Et d’au moins deux mètres cubes et demi. Mais ça n'empêche aucunement la vive captive de décocher plusieurs marrons, aussi contestataires que discourtois, vicieux, et visiblement douloureux, à son ravisseur contrarié, bien en peine de lui faire garder sa place, au milieu de ce qui pourrait bien être, après mûre réflexion, une enchère d’esclaves. Une animation qui, en tous cas, fait visiblement sensation. En se faufilant dans le foutoir sidéral, entre paires d’yeux concupiscents et libidineux, Indira s’approche un peu de ce couple curieux. Autour d’eux, les vendeurs égrènent, en beuglant dans un sabir écorché, plus qu’approximatif, la liste des richesses dont ils tiennent à se séparer tambour battant : Zos, piture, p'trol, rarmes, lixirs, robs et h’mains représentent, à les entendre, les denrées les plus populaires de cette horrible foire de fin du monde. Le roulement de tambours lancinant rythme le brouhaha général, déjà assourdissant. Les puissants relents d’égout à ciel ouvert luttent sans merci contre les émanations pétrotoxiques prégnantes, au grand désespoir de l’odorat sursaturé. La p’tite nana coriace prend, soudain, son odieux bourreau par surprise, en halant d’un coup sec sur la cordelette qui, tous deux, les unit. Et, d’une ruade, se jette, gueule grande ouverte, sur le malabar déséquilibré. Haaa, et là, elle arrache, d’un coup d’incisives hargneux et déloyal, son lobe d’oreille gauche. Le sang gicle. L’armoire à glace hurle de douleur. Mais dans la cacophonie générale, et les percus abrutissantes qui défoncent, non-stop, poumons et tympans, ça n’émeut absolument personne. L’électron libre, poings liés toujours, passe en courant, la tête haute, mais le feu au cul, pieds nus, juste devant les deux Parigots, peu habitués à assister à un tel grabuge. À part, limite peut-être, durant leurs séances quotidiennes, animées, de Counter Strike Origins. Et encore. L’ado déchaînée, et son interminable crinière de jais, s’engagent déjà sur l’unique issue possible. Bordée, côté roche, par le gruyère de niches creusées à même les gradins de pierre. Et, côté fossé, par un ravin de granulats tassés. Indira, prit d’une hardie impulsion neurochimique, aussi subite qu’irraisonnée, lui emboîte le pas. Suivi de près par Tony. Magilan, lui, a gardé un œil sur le chahut qui vient de se dérouler juste à côté. Tout en reluquant, de l’autre, la carcasse ébréchée d’un gros scorpion mécanique louchissime, harcelé par une créature de Frankenstein aux dents vertes, à la trogne simiesque toute vérolée, encore gâtée par un strabisme convergent archi sévère, et qui sent des pieds. La marchande opiniâtre, rustre mais collante, autant qu’inspirée, le bassine, depuis trois heures, avec son haleine moisie de radis par frais, sur les cent atouts inconcevables de la glaciale coque d’onyx décortiquée. Mais bon, elle aura beau dire ce qu'elle veut, la vieille, l'intriguant tas de ferraille Heavy Metal peut bien avoir l'air complètement foutu, il n’en reste pas moins malsain, putain ! Qu’est-ce que ça peut bien être que ce machin ?

  Dès qu’il aperçoit l’oreille esquintée, Magilan se précipite, de toute sa spontanéité, pour porter secours. La vue du sang versé déclenche en lui un automatisme, tout droit dicté par les années et les années passées, sans compter, dans l’exercice, assermenté, de ses fonctions de défenseur invétéré de la veuve et l’orphelin. Une solidarité toute policière, de laquelle naquit une improbable association. De celles qui font le plus de ravages. Mais, pour le moment, bien plus terre à terre, Magilan lutte, de toutes ses forces, pour maintenir en place son pansement de fortune, misérable bout d’étoffe effilochée qu’il a piqué sur l’étal, et qu’il essaie d’appliquer, comme il peut, sur l’organe charcuté de Mégildas qui, lui, vocifère comme un beau diable et ne tient pas en place, ivre de se lancer, au plus tôt, aux trousses de cette incontrôlable furie.

  Iliah, elle, vient de repérer la bestiole noire à la guibole en ferraille. Et y avise, là, une opportunité d’évasion toute désignée. Même s’il faudra pour cela, à coup sûr, en venir aux mains avec le gus qui traîne avec, un vieil aïeul barbu, sous une nurka beige en lin. L’atonomade planque son visage sous une haute capuche grisâtre. Et porte une paire de binocles, rondes, aux montures en alu, dont les éclats de peinture, décatis, révèlent encore à peine qu’elles furent, naguère, jaune canari.

 

 

 

 

  Tout en harnachant son canasson au cerceau rouillé qu’il a trouvé, scellé à la paroi rocailleuse, le vieil encapuchonné voit débarquer, droit sur lui, le trio, qui se ramène au pas de charge. La gamine échevelée, à leur tête, lorgne sa monture, d’un air avoué de pygargue en chasse. Il capte un temps son regard, y lit de la défiance. Une microseconde lui suffit : il analyse, ne cille pas, lâche, alerte, la bride, dégaine, d’un geste exercé, de sous sa nurka usée, un bâton de marche en cèdre, à l’extrémité effilée, qu’il projette, avec dextérité, pile poil entre les pieds de la jeune effrontée. Qui voit, elle, sa course précipitée trébucher, dans une prodigieuse acrobatie désordonnée, brutale. Iliah se ramasse, techniquement, sur un trick freestyle 360 front flip loupé. Elle se retrouve, après un rip brouillon sur du papier de verre, étalée, de tout son long, devant le vieux barbu bizarre qui la toise, maintenant, de son bon mètre quatre-vingt-un.

  – Vous avez des ennuis, tous les trois ? il demande, sourire en coin, sourcil moqueur. Suivez-moi, y vaut mieux, on va en discuter, un peu plus au calme.

  Une haute et large lézarde, qui ressemble à s’y méprendre à une anfractuosité tout ce qu’il y a de plus naturelle, sillonne la craie à quelques pas, entre deux ouvertures de niches, et laisse apparaître, par intermittences, une lumière, qui vacille. Le vieux sale au cheval empoigne Iliah par l’épaule et la tire, sans aucun ménagement, derrière lui, dans le goulet étriqué qui les fait pénétrer, suivis de près par Indira et Tony, dans une taverne cavernicole, minée à l’explosif, en plein cœur de la paroi rocheuse. Quatre tables quasi circulaires, en bois d’un autre âge, aménagent la spacieuse, mais discrète, cavité. Des petits becs d’huile, et deux lampes tempête, toutes oxydées, jalonnent sa voûte. Leur éclat feignant dévoile, à peine, par endroits seulement, un patchwork de vieux insta cornés, et pour la plupart déchirés, immortalisant des scènes de vie, aussi jaunies que désuètes, de notre civilisation, qui tapisse sinon la quasi-totalité de la pierre érodée de cet ersatz, dérisoire, de saloon du bout du monde. Six gros crasseux, en loques, déclinent, autour du même nombre de chopes abrasées, dépareillées, mi-pleines d’un nectar au ton pisseux pas ragoutant, du tout du tout. L’un d’eux, qui, à en croire son fado de rots, s’en est mis une bonne, pété au dernier degré [6] , porte, autour du cou, une grosse excroissance bourrelétique de chair boursouflée, qui luit dans la pénombre, réfraction pus-sueur et veinée bleuâtre, et lui fait comme un faux goitre, vraiment répugnant. Le déferlement incessant de décibels en vrac, à l’extérieur, est bien atténué par la roche ultra épaisse qui les enveloppe. Le taulier, un obèse dégarni sans dents, les orbites creuses sur un joli sourire de pierre tombale des Carpates, accoudé derrière un bar fait d’ancestrales lattes de cèdre grignotées, clouées à la hâte, ne lâche pas des yeux la petite équipe qui s’assied, en aparté, du côté le plus obscur de la salle, obéissant à un geste explicite du barbu, plus âgé, qui les précède. Le vieux a gardé sa capuche râpée sur son crâne, et, de son visage, on ne peut voir qu’éclats canaris, et quelques poils cendre, tout bouclés, qui n'ont pas dû voir un peigne depuis trente ans, à peu près. L’atmosphère céans, épargné des rayons du jour, est à peine plus doux, à peine plus respirable, qu’à l’extérieur. Et, hélas, vicié d’un mélange neurotoxique subtil de relents éthyliques fétides, d’exsudation rance, de flatulences molles colorées poulet, tanin, dents creuses et scorbut délaissé. Pour monnayer leur tranquillité, surtout, l’ancien refile trois gemmes ternes, aux reflets anisotropes incertains de kryptonite, tirées de sa vieille poche trouée, en échange de quatre verres à vin ébréchés, mi-remplis d’une gnôle tiédasse jaunasse fongique, couleur fromage de pied, à l’odeur prononcée de macération longue, qu’aucun d’eux n’a cœur à goûter. Non non merci, ça ira, j’ai pas soif... Pour dire à quel point c’est beurk, y’a même des morceaux qui finissent leur fermentation, entre deux eaux.

  Toute à sa fuite, Iliah a à peine remarqué, jusque là, les deux aliens qui la collaient, et elle se surprend elle-même à trouver un semblant d’attrait, au faciès, pourtant carrément trop vertical, enchâssé sur un cou de héron maigrichon inesthétique, de la grande gigue mincissime qui s’est installée, juste en face d’elle, et qui ne parvient pas, visiblement, à s’empêcher de balancer, toutes les deux secondes, des œillades inquisitrices à la dérobée, sur ses nichons. C’est le gars à la nurka mitée qui entame la discussion, tout en tranchant net le nœud qui mord ses poignets, sa mère, à l’aide d’un laguiole long, qu’il a tiré, discret, de son ceinturon.

  – Allez, dites-moi tout, qu’est-ce qui vous amène au centre du grand rien, dans cette sinistre parodie de patelin ?

  Iliah raconte donc son épopée : la cité, le tapis, la fuite dans le trésert, la caravane, les libellules meurtrières, comment Mégildas le fourbe, le Mal fait Homme, avec qui elle avait eu déjà maille à partir, l’a de nouveau chopée, en lui tendant un des pièges des plus perfides qui soient, en empoisonnant l’eau des chariots abandonnés par leurs proprios éviscérés, avec les restes de leurs proprios éviscérés, ce gros sale enfoiré. Puis l’a traînée, à son corps défendant, dans cet horrible ghetto où on s’entend même plus penser, prêt à l’échanger au plus offrant, contre, qui sait, de la piture, une rarme, ou encore Pan seul peut bien savoir quoi.

  Les garçons n'en croient pas trop leurs oreilles, d’abord. Mais la moue dubitative, quand c’est pas sidérée, de la beauté super mégabonne, genre celle à-qui-on-ne-la-fait-pas-qui-flaire-le-mito-à-cent-bornes, lorsqu’ils dépeignent, à leur tour, les dernières heures passées, entre les pubs obscurs de la Ville lumière et le désert désert, confirme, s’il le fallait, qu’ils se trouvent maintenant dans un monde qui n’est plus, mais alors plus du tout, celui qu’ils battaient encore, voilà deux heures à peine. Le type à la soutane qui pue le vieil âne est resté muet tout au long de leurs récits enlevés, hoche la tête à tout va, l’œil probe, écoute, attentif, mais n'a pas l’air autrement surpris de ce qu’il entend.

  Moi, je m’appelle Xavier, il annonce, après que Tony ait achevé d’exprimer son avis pronostique, sur ce qui, d’après lui, ne peut être que le résultat paradoxal d’une aberration pas prévue du continuum espace-temps, ou bien ce lieu n’est-il rien d’autre qu’un purgatoire terrifiant dans lequel ils ont été parachutés sans crier gare, en attente d’être jugés par Cthulhu, pour une série de crimes qu’il ne se souvient pourtant pas du tout avoir perpétrés.

  – Vous n’avez pas atterri sur une planète exotique ou dans une supposée réalité parallèle, confie calmement le vieux, mais bien sur terre. À une cinquantaine de bornes au sud d’où s’étalait Paris, y’a encore trente ans à peine. Les choses se sont pour ainsi dire, quelque peu, gâtées, depuis. En peu de temps, beaucoup d’événements se sont produits, ici, et le plus ridiculement navrant d’entre tous fut, sans nul doute, le désastre nucléaire, qui a fait table rase, en l’an de grâce 2030.

 

 

 

 

  Alors, Xavier évoque les instants historiques qui suivirent la bombe. Comment ils ont parcouru, avec son pote Anton, la poussière de ce qui autrefois fut l’Europe, défigurée par les grands séismes qui achevèrent de tout dévaster, au lendemain de la tempête atomique. Tout un continent refaçonné en une désolation stérile, couverte des cendres du monde d’avant. Se liant parfois, jamais bien longtemps, à des petites communautés de rescapés, le plus souvent nomades, eux aussi à la recherche d’eau, de nourriture, ou, simplement, de la seule compagnie de leurs semblables, parfois. Il relate ensuite leur séparation, il y a de cela quinze ans, quelque part dans l’ancienne région du Danemark. Anton ayant finalement pris la décision de redescendre en direction de la Méditerranée, dans l’espoir d’y fonder rien de moins que les bases d’une nouvelle civilisation. Tandis que lui progresserait, en exploration, toujours plus au Nord, accompagné de son fidèle destrier de chair et d’argent, à la recherche d’un passage vers le continent américain. Il décrit les plaines infinies de sable et gravats qui ont complètement travesti le globe, les mares stagnantes, putrides, qui se sont arrogées la place de nos plus grands réservoirs d’eau douce. Les frêles esquifs de survivants, disparaissant au loin, dans les immenses radeaux pélagiques d’ulves mortes qui tapissent dorénavant la surface des océans. L’H100, le corona [7] iode géant, galopant, transmissible par voie colorectale à 108 %. La guerre ininterrompue pour le pétrole, celle devenue prépondérante, pour l’eau potable, devenue, elle, où qu’on soit, denrée rare. La banquise noire d’impuretés carboniques, qui s’étend, maintenant, sur le permafrost. Le Nol Astaya, le colossal brise-glaces battant pavillon russe, encore en fonctionnement, à bord duquel il a dû bosser deux fois six mois, pour payer ses traversées. Les étranges hominidés à peau de reptile qu’il a aperçu, à maintes reprises, dans le Nord-Est du Canada, dont le langage est formé de longs sifflements stridents. Et puis, à l’été 18, il finit, lui aussi, par se lasser de cette prospection sauvage, impossible, et, un beau matin, rebrousse tout simplement chemin, bien décidé à retrouver son vieil ami, sous réserve bien sûr que celui-ci ait, par miracle, survécu aux nombreuses années qui se sont écoulées, sur ce monde dézingué, en périhélie constant. Son géopériple le ramène, donc, en Nécrorope, où, de partout, il voit proliférer, dans la dégradation générale, les kystes innommables, les tumeurs difformes, et les hideux mélanomes qui fleurissent, sur l’épiderme des survivants. Puis, dans l’hexagone sinistré, où il apprend, au hasard des brèves de comptoir que s’échangent les atonos fourbus, dans la demi-pénombre de rades tous aussi glauques que celui-ci, qu’au sud des Alpes, une fois franchis ses sommets les plus inaccessibles, non loin de la mer Méditerranée, se dresserait une immense tour de basalte, nommée Isenhar, nouvel eldorado des âmes en peine, qui arpentent sans fin ces terres mortes, devenues foutrement inhospitalières. Quant à la grande cité qui a vu naître notre jeune amie l’échevelée, que les atonos appellent Miliance, elle fut érigée dès les premières années qui suivirent le Grand Chaos, et Xavier ne s’en est, pour tout dire, jamais approché de trop près. Mais il a croisé, par contre, ses terribles rejetons carnassiers : les libellules et les scorpions de carbosilice, conçus pour protéger la mégalopole, ont exacerbé, d’eux-mêmes, leurs sales penchants psychopathes, une fois livrés à eux-mêmes. Il sait aussi que la ville produit un nombre incalculable de déchets troniques, de toutes sortes, que ces mêmes atonos recyclent, comme par exemple la robuste jambe mecha de son équin cyborg Yphrion. Xavier n’explique pas, par contre, l’arrivée, plus récente, des déplacés, ces voyageurs temporels qui, comme Spaghetti et Cocotier, apparaissent, de plus en plus nombreux, complètement paumés. Errants, encore affolés ou déjà accablés, dans les déserts de sable qui se sont appropriés le réel. Et tous, sans exception, débarquent des années 20.

  La conversation ne faiblit pas, des heures et des heures durant, chacun l’alimentant de son contingent d’observations, et nouvelles questions. Trop desquelles, hélas, demeureront, pour ce soir, sans réponse.

 

 

 

 

  Lorsqu’à la nuit tombée, ils quittent la protection, toute relative, de leur taverne malodorante, les trois plus jeunes sont décidés, unanimes, à accompagner le vieux globe-trotter, dans sa quête, un peu hasardeuse, d’Isenhar.

  La lumière a depuis longtemps disparu, derrière le précipice qui surplombe le village souterrain. Silence et ténèbres ont remplacé la grouillante activité, sur la place du grand foutoir généralisé. La bande de gros gueulards, les c-bots pas frais, et leurs vieilles charrettes, ont mis les voiles. Fin de ZAT. Le quatuor au cheval amélioré gravit le sentier en colimaçon, devenu le gala de bienfaisance des cafards mutants, aux arômes prononcés cocktail dégueulis matou crevé, puis prend la direction de Samalcande, étape liminaire qu’a désigné Xavier, dans leur expédition. Il espère y trouver les réserves de nourriture, et les montures, indispensables à la survie du petit groupe.

  Malgré les apparences, ils ne sont pas encore tout à fait sortis de l’auberge : vraisemblablement, un long trajet reste à faire.

Chapitre 8
Chapitre 10

[6]   supérieur ou égal à 16 grammes par litre de sang

[7]   T’avais qu’à pas bouffer les gentils pangolins. On t’avait prévenu.